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Suzanne Dracius

 
Née à Fort-de-France, Suzanne Dracius a passé son enfance en Martinique puis à Sceaux. Professeur de Lettres Classiques à l’issue de ses études au lycée Marie-Curie et à la Sorbonne, elle a enseigné à Paris, puis à l’Université Antilles-Guyane, à l’University of Georgia et à Ohio University (USA). 
Révélée en 1989 par L’autre qui danse , finaliste du Prix du Premier Roman (éditions Seghers/Robert Laffont, réédité en poche aux éditions du Rocher en 2007), une plume à la sensualité volcanique. 
Ses œuvres, roman, nouvelles ( Rue Monte au ciel , Coup de Coeur FNAC, éd. Desnel, 2003), théâtre ( Lumina Sophie dite Surprise , Médaille d’Honneur de Schoelcher pour la Journée de la Femme, Desnel, 2005), poésie et ouvrages jeunesse ( Fables de la Fontaine avec adaptations créoles & sources , Desnel, 2006), publiées en Europe et aux États-Unis, traduites en italien, anglais, espagnol, néerlandais, roumain, allemand, malgache etc., sont étudiées dans de nombreuses universités européennes, américaines, canadiennes et africaines. 
Son recueil de poésie Exquise déréliction métisse a remporté le Prix Fetkann 2009. En 2010, elle reçoit un Prix de la Société des Poètes Français pour l’ensemble de son oeuvre. 
Déclarant " écrire au féminin pluriel", exaltant métissage et marronnage littéraire, coordonnatrice de l’ouvrage collectif Pour Haïti (Desnel, 2010), cette "kalazaza" danse au son de sa mémoire scandée par les échos de l’Histoire, dans l’interrogation d’une France multiethnique de toutes les solitudes. 
Ses textes sont analysés dans Métissages et marronnages dans l’oeuvre de Suzanne Dracius , ouvrage collectif d’universitaires coordonné par Y. Helm (éditions L’Harmattan, 2009). 
 
Texte de Suzanne Dracius
(Extrait de Rue Monte au Ciel
 
 

RUE MONTE AU CIEL (extraits)
 
 
Péniblement Léona réussit à se redresser, pantelante, chair palpitante comme un être qu'on vient de tuer. Toute dolente, elle tendit une main pour récupérer son Totor. 
Lusinia n’attendait que cela : elle mordit dedans. La suite s’enchaîna d’elle-même. Riposte : hurle, griffe, déchiquette. Lacère. Triture au hasard, écrabouille du plat de sa main valide. « L » tire les cheveux, swit ! les oreilles, le nez, tire tout ce qui dépasse… Secoue comme un manguier, étrangle. « L » injurie, bombarde, boudoum ! Décapite. « Prends garde, je te tue ! » 
Coups de poing, coups de pied, coups de tête, po ! Crève les yeux, « Isalope ! » Massacre. L’autre « L » l’écartèle. Catapulte. Décime, extermine, « Sale vermine !… » Tape, wabap ! Aveugle, éblouit : couteau jailli d’on ne sait où, éclair de lame éblouissante perforant l’air. Saigne, frappe, égorge. « Elles » roulent à terre, bloukoutoum, blo ! Rougeoie une pléiade d’étoiles en plein soleil. Tournoient les innombrables vaisseaux, à quai dans le mouillage de Saint-Pierre, — jamais si nombreux qu’aujourd’hui, ce jour-là n’est pas comme les autres, a le temps de présager Léona, en un éclair. Tourbillonnent les hauts mats, les vergues, les grands corps qui chargent et déchargent, dans un jaillissement d’odeurs fortes, de sueur, de sucre et de sang, de rhum, de bois de teinture, de cacao, de vin d’orange, en une tornade d’indigo, de manioc et de peaux mêlées. De l’amitié meurt tout souvenir. De la félonne se consomme le crime ; de l’ananas en conserve, Léona a le cœur révulsé. La nausée la déstabilise, elle vomit sur la noirceur de l’ex-amie. 
Une gerbe de senteurs plus piquantes lui fait reprendre ses esprits, puis une agression cauchemardesque de pieds nus et de souliers, un étourdissement de mollets, de criailleries : « Isalé ! » Les gens aiment voir deux filles se battre. Un attroupement s’est formé : « Un combat ! Dé L ka goumen ! » Les deux L se volent dans les plumes. Nul ne tente de les séparer ; au contraire, les cris les excitent. L’orgueil galvanise Léona. 
Se dégager, se relever, mim ! « Ha, tu vas voir ! Yich manbans ! Je vais t’apprendre, enfant de garce ! » Frapper aussi ; frapper plus fort : pim ! Plim ! Bo !… Perd le souffle, titube, chwa ! S’écroule. 
Couronnant Lusinia, altière, sa longue silhouette se découpant sur l’azur d’un bleu intense, un haut panache de vapeur s’élève tout droit, triomphal. 
Sa « meilleure amie » la piétine, la désarticule, l’assomme… Léona se relève, puis perd pied. Elle s’affaisse. L’autre « L » l’achève presque. 
 
 
Si Léona était retournée à Saint-Pierre (chose que jamais elle ne fit, elle abhorrait trop cette ville, même décimée), après l’éruption de la Pelée, la petite lionne de marbre noir aurait peut-être été émue de découvrir, dans les décombres de la rue Monte au Ciel, parmi les cadavres calcinés, le corps raidi de Lusinia. Elle aurait sans doute aimé voir, accrochée à son cou par une vulgaire chaînette de fer, la fameuse pièce d’or percée que sa fausse amie lui avait volée et qui n’était, tout compte fait, même pas en or, si cela se trouve !… 
En les voyant tous, noirs, blancs, indiens, rouges, la peau figue, jaunes et mulâtres, tous, békés pays, békés-France, békés goyave, grands békés, petits békés, câpres, congos, calazazas, ouaïe-aïe-aïe, chapés coulis, chabins dorés, chabins poil mangouste, tous, « la Chine », les Syriens, les Juifs, les Chrétiens venant de communier sortant de la cathédrale, tous, riches et moins riches et pauvres et misérables, tous pareillement noircis par le même incendie, elle aurait certainement pensé que cette Montagne de Feu, le péléen prototype d’une « nouvelle race de volcans », avait réglé d’un seul coup, de manière fort expéditive, quoique très provisoirement, les problèmes de différences de couleurs, de classes, de races et d’ethnocastes. 
 
Suzanne Dracius, Rue Monte au ciel , éd. Desnel
 
 
 
Oeuvres principales
 
- L’autre qui danse, finaliste du Prix du Premier Roman (éditions Seghers/Robert Laffont, réédité en poche aux éditions du Rocher en 2007) 
 
- Rue Monte au ciel, Coup de Coeur FNAC, éd. Desnel, 2003 
 
- Lumina Sophie dite Surprise, Médaille d’Honneur de Schoelcher pour la Journée de la Femme, Desnel, 2005 
 
- Fables de la Fontaine avec adaptations créoles & sources, Desnel, 2006 
 
- Exquise déréliction métisse,le Prix Fetkann 2009 
 
Acheter les livres de Suanne Dracius
 
- L'autre qui danse, 7,13€  
 
- Pour Haïti, 20,71€  
 
- Exquise déréliction métisse, 10,45 €  
 
- Rue Monte au Ciel, 12,00 €  
 
Sur internet
 
Site officiel de l'auteure  
 
Page Suzanne Dracius écrivain sur facebook  
 
Eloge du métissage, TV5  
 
Le manoir des poetes  
 
Edition Desnel  
 
Salon du livre de Paris, 2011  
 
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Modifié en dernier lieu le 6.10.2011
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